Revenons un moment sur L’Académie contre la langue française dont nous vous avons entretenu au début du mois. Ouvrage passionnant, dont nous conseillons vivement la lecture ; y compris, bien entendu, aux ♂ et quelques ♀ en vert du Quai Conti.
L’ouvrage, parmi d’autres textes édifiants, cite celui qu’Alain Peyrefitte (plusieurs fois ministre et qui fut également de la Compagnie) fit publier le 23 juin 1984 dans Le Figaro, se faisant le haut-parleur des “immortels” pour dire leur “agacement”, leur “inquiétude” même après la création de la Commission de terminologie, installée officiellement par décret du 29 février 1984. Commission, rappelons-le, “chargée d’étudier la féminisation des titres et des fonctions, et, d’une manière générale, le vocabulaire concernant les activités des femmes”.
Peyrefitte note qu’une directive de Bruxelles “empêche d’interdire à une femme une profession exercée jusque-là par les seuls hommes et inversement”. Ainsi, “il fallait déféminiser la profession de sage-femme”. Tâche ardue à laquelle s’attelèrent les Habits verts, qui recommandèrent d’utiliser le terme “maïeuticien” (rien que ça), “conforme au génie de la langue française” (de quelle sorte de génie s’agit-il donc ?) et « d’une étymologie que rendait facile à saisir la “maïeutique” ». Facile… pour qui ? Tous les mortels savent-ils que Socrate utilisait ce mot au sujet de l’“accouchement”… des idées philosophiques ? On l’aura compris, tout plutôt qu’utiliser un mot qui semble brûler des feux de l’enfer : femme. Peyrefitte estimait, au nom de ses frères et sœurs en immortalité, que “l’appellation courante deviendrait risible, dès lors qu’on l’étendrait aux hommes”.
« L’Académie s’est donc opposée à la féminisation alors qu’elle avait procédé à la masculinisation d’assistant social, explique Anne-Marie Houdebine, professeure émérite de linguistique et sémiologie, qui fit partie de la Commission. Le terme “maïeuticien” n’a été ni employé, ni compris, comme me l’ont montré les enquêtes où certaines personnes le citaient en référence à la pratique de l’emmaillotage (“mailloticien ?” questionnaient-elles). » Quant à “maïeuticienne”, elle rappelle “en passant” que cela n’a pas été proposé pour les femmes.
Au revoir l’accoucheur philosophe, bienvenue aux hommes sages-femmes. Le jeune homme qui nous apprit un jour qu’il faisait « des études de sage-femme » ne trouvait cela nullement risible.
Bonne nuit, les Habits verts, et soyez sages.