Le grand-père paternel de Françoise Basch n’est pas un inconnu. Ce dernier s’appelle Victor Basch. Il est le cofondateur de la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen, dreyfusard et homme de gauche très rapidement opposé à la montée de l’extrême-droite en France. Ce dernier sera assassiné en compagnie de son épouse par la milice française à Lyon. Françoise Basch a d’ailleurs consacré une biographie à son grand-père. Mais dans le livre dont nous parlons aujourd’hui, l’auteure se consacre à deux personnages moins connus, mais tout aussi courageux: sa mère, Marianne, et sa grand-mère, Ilona, l’épouse de Victor.
La première s’étant volontairement séparée de ses enfants pour les protéger, mais aussi pour pouvoir exercer son métier, la médecine, et ainsi pouvoir approvisionner ses enfants et ses beaux-parents durant cette période de disette. De son côté, Ilona, la grand-mère, va tout faire pour essayer de donner un quotidien normal à ses petits-enfants, malgré les restrictions et la panique ambiante. Malheureusement, elle suivra son mari dans la mort.
«Ilona, ma mère et moi», c’est le portrait d’héroïnes du quotidien qui résistent à tout: à l’oppression, au suicide ou à la dépression d’un mari, à la solitude, à la fatigue.
«Moi, seul le travail pourrait me tirer d’affaire et on me refuse cette issue. Je suis désespérée et la vie à tous points de vue est atroce. Mais il y a les gosses et je ne puis les abandonner.» [Marianne Basch à son frère Gustave Moutet]
«Ilona, ma mère et moi» développe deux aspects. Il est d’abord un témoignage, mais aussi une démonstration du changement du statut des femmes causé par la guerre et la nécessité de la résistance. On voit cela principalement au travers de Marianne. Celle-ci prend un rôle que l’on considère comme typiquement masculin (encore plus dans les années 1940) puisque c’est elle qui devient le «le chef» de famille. C’est elle qui travaille, qui est indépendante, qui pourvoit à la survie des autres. Avant la guerre, on apprend que Marianne a toujours fait passer sa carrière de médecin après celle de son mari qui exerçait la même profession. Les événements de 1939-1945 change tout et Marianne, dans ses lettres post-guerre, explique que le retour à la vie normale n’est pas aisé. Effectivement, difficile de reprendre sa place de femme dans la société, alors qu’elle a goûté aux privilèges des hommes, l’indépendance et le statut de sujet, même si cela s’est fait dans des conditions terribles.
En résumé, «Ilona, ma mère et moi» est une lecture accessible et concrète, une plongée dans le quotidien des familles juives françaises durant la guerre. On regrettera juste que l’on s’attarde trop peu sur le changement de statut des femmes durant la guerre, un sujet évoqué trop rapidement.